Numéro

Six

Monoblog

Way down in the hole

La première série hors norme était Le Prisonnier. Rien n’arrivait à sa cheville. Des décades plus tard – les séries exceptionnelles furent pourtant nombreuses dans l’intervalle – rien ne préparait à découvrir The Wire puis, au fil des épisodes, de prendre la mesure de l’objet.

Aujourd’hui, The Wire est un sujet de thèse. Des cours de sociologie sont fondés sur elle. Certains prétendent même qu’elle est « la plus grande série de tous les temps », ce qui n’a pourtant pas grand sens…

Cette fresque n’est pas une série mais une geste, un roman épique, une parabole. C’est ce que l’on voit, ce que l’on veut, ce que l’on croit, mais pas une série.

Ce ne sont pas soixante épisodes écrits au fil d’une production talentueuse mais cinq thèmes, pour autant de saisons, cinq évangiles selon Baltimore, reflet de l’Amérique : la drogue, les dockers, la politique, l’éducation et les médias.

Cette histoire a un début et une fin. On ne la voit pas. On la lit. Il faut plusieurs épisodes pour l’entrevoir. Sans facilité ni message ou jugement. Mais l’effort initial accompli – il y a beaucoup d’éléments à prendre en compte au départ – la dimension complète de l’œuvre se révèle.

Les génériques des cinq saisons sont autant de versions d’une pièce crépusculaire de Tom Waits : Way down in the hole.

Le génie épuré, une peinture magistrale, ne regardez pas The Wire.

The Wire est né de la rencontre entre David Simon, vingt années de journalisme désabusé, et Ed Burns, policier désabusé par vingt années de service.

L’œuvre de David Simon dépasse cette création. Il faudrait aussi évoquer Treme, un récit humaniste sur la reconstruction d’un ville et de ses habitants après les ravages de Katrina.

Treme est également un must pour les musiciens sensibles au blues et au jazz des origines. On y croise l’aréopage musical de la Nouvelle-Orléans, rencontre à prolonger sur internet tant ces musiciens sont généreux sur leur expérience et prodigues de conseils pour approfondir leur musique.

Grâce à Treme, parmi quelques dizaines d’autres modestes génies de cette ville magique, on peut découvrir Shannon Powell, pour un classique Big Chief revisité avec une énergie magnifique. L’accompagnement au piano est remarquable.

David Simon est également l’auteur de séries exceptionnelles telles que The Corner, Generation Kill et Show me a Hero, qui contribuent à nouveau, comme axe majeur de son œuvre, à une mise en perspective des États-Unis. Sa dernière création, The Deuce, décrit la naissance et l’essor de l’industrie pornographique américaine dans les années soixante-dix.